Défendre la civilisation européenne, cela ne vous dit rien ?
C’était le thème de la campagne de François Xavier Bellamy à l’élection Européenne, souvenez-vous c’était il y a moins de 6 mois : la tradition gréco-latine, la transmission d’une culture, relever le défi migratoire, la défense des frontières, patin couffin.
À qui revient la défense du mode vie Européen (s’il existe)
Mode de vie européen + migrants, une double casquette forcément nauséabonde
Un changement bien peu commenté dans les médias officiels français, jusqu’à la nomination du grec Margaritis Schinas à portefeuille équivoque de « défense du mode de vie européen ». Une nomination qui, dans un contexte de cosmopolitisme échevelé, a immédiatement réveillé les homélies des défenseurs de la liberté de migrer : Amnesty International via sa branche belge dirigée par Philippe Hensmans, Jean Claude Junker, mais également l’eurodéputée Allemande Ska Keller pour qui cette rhétorique typique d’extrême droite incarne toutes les dérives effrayantes du projet originel, et rappelle irrémédiablement les heures les plus sombres de notre continent.
Alors justement, si le projet Européen est autant à la dérive, le moment est d’autant plus approprié pour tenter de se remémorer ce qu’il fût avant ce chantier de 60 ans dont la première brique institutionelle fût le traité de Rome.
Rappel : les dates-clés du projet Européen
- 1957 traité de Rome
- De Gaulle met en pause en 1965-66 (politique de la chaise vide)
- Pompidou remet l’Europe en marche au sommet de La Haye en 69 et fait rentrer la Grande Bretagne dans le marché unique
- Acte unique 86
- Maastricht 92 (c’est là qu’on a décidé de garder les banques centrales)
- Référendum 2005 : non Français à 55%
- Lisbonne 2008
Ce qui nous permettra notamment de dépasser, en moins de 10 minutes, le niveau indigent de l’analyse proposée notamment par le pseudo philosophe Jean Leclercq, professeur de philosophie à l’université UCLouvain :
« Quand on avance des mots pour définir des réalités, il faut s’assurer que ces concepts soient encadrés (…) Protéger un mode de vie européen, ça ne veut rien dire, on peut protéger une appellation de fromages, mais ici on parle d’une compétence qui a trait à la migration, et donc à des personnes
Autre problème : cette dénomination pourrait promouvoir une spécificité européenne incongrue à l’heure où les individus sont de plus en plus interconnectés
Nous avons de plus en plus de besoin de repenser [bla bla bla] succès des partis europhobes »
Jean Leclercq, professeur de philosophie à l’université UCLouvain
1ère clef de lecture
Si un nationaliste a prononcé le mot, alors il est maudit pour l'éternité
La formule traînerait aussi dans un discours nationaliste donné le 6 mars 2014 par Frank Franz, leader du NPD allemand :
« Qui veut protéger l’Europe, doit protéger ce qui constitue l’Europe : sa diversité »
Frank Franz
Le mode de vie européen, version officielle
Notre mode de vie européen pic.twitter.com/7jehQUbZC5
— Ursula von der Leyen (@vonderleyen) September 12, 2019
Le mode de vie européen comme philosophie
« Je considère comme Européens ceux qui participent de notre culture »
Isocrate
3 axes de lecture
… nous permettant de dépasser la trop tentante, la trop facile lecture géographique. En effet, on retrouve des influences spirituelles européennes largement hors de l’assise territoriale de notre continent, alors que des pays membres de fait, ne sont tout au plus qu’à moitié européens (la Grande-Bretagne)
Axe 1 : la valorisation des sciences
- Faire primer le rationnel sur l’irrationnel et de mystique
- Subordonner la nature à des fins humaines
- La dignité de la personne humaine
- L’esprit critique
- La méthode de raisonnement, posée comme agent mécanicien le plus 1er d’une civilisation industrielle (avec toutes ses sous catégories : esprit de finesse Français, esprit de géométrie Allemand, etc.)
- Le refus des messianismes
« Natura non vincitur nisi parendo » ~ (la nature ne se vainc qu’en lui obéïssant)
Bacon
Axe 2 : la tendance classique vs la tendance romantique
Classicisme
La raison impliquant la limitation du champ d’étude, par opposition à l’irrationnel, illimité en ce qu’il englobe l’inconnu, la conscience Européenne affirme la mesure (metron en Grec). Et ce faisant, applique à l’Histoire le principe de relativité : je n’explique que ce que je parviens à concevoir, pas l’absolu de la connaissance possible, qui me dépasse. C’est de ce relativisme historique, dans cette négation anthropologique de l’absolu, et donc des extrémismes, que vient la fameuse « lutte contre les extrêmes », et par extension de toute forme de messianisme (voir .6).
La réalité présente prime sur des valeurs, des rêves, ou la vision d’un avenir flou et infini. Une réalité qui ne peut s’inscrire que dans un cadre institutionnel (besoin d’institutions, logique de contrat)
Dérivé sociologique : le nihilisme individualiste, où postuler que les individus recherchent avant tout, et en toute situation, leur intérêt propre, est le moyen le plus certain de décoder la réalité pragmatique de leurs stratégies
Romantisme
L’intuition devient la première source d’information, l’irrationnel est célébré, la bonne volonté postulée comme partagée, la mesure diabolisée (comme valeur bourgeoise et conservatrice), les époques révolues fantasmées dans une nostalgie obsédante (rejet du monde industriel)
Exemples
- existentialisme (j’échappe à mes déterminations pour devenir source de moi et de mon destin)
- art moderne (désagrégation de toutes les formes sensibles et logiques)
Dérivé sociologique : la solidarité transnationale, le collectivisme, la conciliation systématique des intérêts contradictoires
« La société occidentale se meurt d’un individualisme excessif, tandis que la société orientale n’est même pas née, à cause d’un collectivisme excessif »
Albert Camus, 1956
Le paradoxe de l’idéologie totalitaire
Elles présentent, dans un premier temps, l’aspect de systèmes méticuleusement organisés, mais reposent quasi exclusivement, une fois grattée la surface, sur un système de valeurs de type messianique, une prédominance d’éléments irrationnels, l’espoir dans un avenir abstrait auquel on sacrifie le présent.
Axe 3 : l’Ouest vs l’Est
- L’Ouest fait passer la liberté avant la justice, l’Est la justice avant la liberté
- La limite de la liberté se trouve dans la justice, c’est à dire dans la reconnaissance de la dignité de l’autre, et la limite de la justice se trouve dans la liberté, c’est à dire le droit inaliénable de l’autre à exister telle qu’elle est au sein d’une collectivité (ex : minorités visibles)
Et les États-Unis ?
Mode de vie Européen vs américain
- La dépréciation de l’idée au profit du concret, de l’empirisme, de tout ce qui peut être immédiatement perçu et mesuré
- L’absence significative du goût Européen , défini par la répugnance à pousser une chose trop loin, remplacé par l’excès, les nuances qui disparaissent, pulvérisées par la volonté de conquête totale
- Le refus de considérer les philosophies pessimistes comme véritablement sérieuse (refus de la tragédie européenne),
- La volonté du bonheur, le désir d’organiser la vie logistique de sorte que tout soit plus facile, plus limpide, plus spectaculaire (👉 cf le spectaculaire comme valeur ultime des barbares, Baricco)
Qui menace vraiment le mode de vie Européen ?
« La civilisation Européenne n’est pas menacée, sinon par elle-même, d’une sorte de suicide général (…) elle n’a pas assez de santé ni assez de force pour répondre au défi de l’histoire »
Albert Camus, 1956
Source : L’avenir de la civilisation européenne, colloque organisé par l’Union Culturelle Gréco-Française à l’occasion de la visite d’Albert Camus en Grèce, Athènes 1956
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