Quitter la friend zone : bonne ou mauvaise idée ?
Fabien se demande si une relation avec une amie est viable ou s’il est préférable de rester son confident. Sa question : une femme peut-elle coucher avec l’homme qu’elle a désigné comme son confident ? Peut-on transformer une amitié en amour ?
Fabien, il y a plusieurs niveaux de lectures dans ta question.
Réponse du type « youtubeuse »
La réponse est évidemment : non ! La femme dont tu écoutes les confidences sur l’oreiller d’un autre ne te procurera aucune faveur sexuelle. Elle te considère sans doutes comme un être timide, chétif et pusillanime. Tu n’as aucun intérêt ou attrait sexuel à ses yeux. Il vaut mieux rester son confident ou tu ne seras pas heureux. Fin de la discussion. Fermer le rideau.
Réponse un cran au-dessus : en réalité tout est possible
Quand il n’y a plus de partition claire entre ce qui est possible et impossible ou plutôt entre ce qui est permis ou non, comme disait Michéa « tout est permis mais pas grand-chose n’est possible ». En réalité le choix du verbe « pouvoir » n’est pas très pertinent. La partition de la question c’est :
- cela a-t-il une probabilité substantielle d’arriver dans un futur proche ?
- si cela arrivait, cela arriverait-il dans une dynamique itérative où la relation cranterait vers quelque chose de suivi ? Ou cela serait-il une expulsion cathartique qui se terminerait en one night stand, en one shot ?
C’est possible ! Et après ?
D’accord c’est possible, mais selon moi cela ne vaut pas ton investissement. La souffrance que tu retirerais d’entendre des confessions non désirées sur ses rencontres, te mettrait très mal à l’aise.
Es-tu prêt à rester son confident ET son amant ?
En réalité, on n’a aucune idée d’en quoi consiste le rôle de confident, quand on ne l’a pas été, car on a une vision édulcorée des rencontres des femmes. Quand on est le confident c’est en général qu’elle a abdiqué toute opportunité avec toi. Elle te raconte ses rencontres éclairées d’une lumière crue. C’est-à-dire que tout à coup tu as les vrais protagonistes, les vrais enjeux, le vrai rythme de l’histoire.
Les vraies rencontres ne sont pas toujours très glamour et pas toujours motivées par des parangons de vertus. C’est en général motivé par la carrure, le statut, le succès. Cela se déclenche en général beaucoup plus vite que ce qu’elles prétendent quand elles ont encore le désir de garder la face. Quand on n’a plus besoin de garder la face, on se rend compte que les rencontres sont beaucoup plus crues, moins nobles que ce que l’on avait imaginé.
Donc Fabien, tu risques d’avoir un peu envie de gerber quand tu vas entendre le déroulé objectif des rencontres de ta chère et tendre. Quoi qu’il arrive tu vas rester son confident.
Transformer l’essai en relation ?
Deuxièmement, quand bien même cela se produirait, il est assez probable qu’elle ne parvienne pas à se raconter, post coït, une histoire suffisamment valorisante pour avoir envie de cranter avec toi. L’hétéro binaire de base est obnubilé par ce qu’il appelle la « conclusion » c’est-à-dire pénétrer ses voies génitales. Souvent ce qui compte pour une femme c’est l’itération.
L’itération c’est : comment vais-je me raconter une histoire suffisamment valorisante pour moi, pour arriver à faire le trait d’union entre cette première fois et une suivante ? Comment me raconter une histoire où j’ai été légitimement motivée à m’offrir à ce type-là ? Celui qui aurait dû rester son confident ? Et surtout ne pas me prendre la réalité de front le fait que j’étais complètement torchée, avinée, offerte au premier qui passait. Car évidemment du point de vue de la valeur perçue, ressentie, c’est très néfaste. Il me faudrait des semaines ou des mois de «#body-positivité » pour m’en remettre. En s’offrant arbitrairement à son confident, elle aurait la honte de sa vie le lendemain.
La baise c’est de la phénoménologie
Tu ne lui donnerais certainement pas les éléments lui permettant de réconcilier la séquence des notes qui précèdent, afin d‘intégrer un futur dans le présent. Comme le dit le chef d’orchestre roumain Celibidache, maître en phénoménologie de la musique: la musique c’est donner le temps, c’est l’art du temps, du timing. La musique c’est quand l’esprit a le temps de réconcilier les notes 3 et 4 afin d’être vacant, et c’est cette vacance qui donne la disponibilité à entendre la 5.
En réalité, tout est une histoire itérative. La baise c’est de la phénoménologie. On baise avec ou sans musique, mais en rythme. Le rythme, c’est le temps nécessaire à la femme d’écrire une composition dans laquelle elle arrive à réconcilier les épisodes précédents et à les lier avec le prochain. Si l’histoire que tu lui donnes la possibilité de se raconter n’est pas valorisante, elle n’aura que la solution de l’effacer de son passé, afin de pouvoir l’effacer de son présent et de casser le trait d’union avec le futur. C’est un peu comme quand on s’offre à un acteur en vogue et quand il est vieux et moche, et passé de tendance, on se dit « qu’est-ce que j’ai fait ? », je n’arrive pas à réconcilier cette histoire précédente, j’ai peut-être été un peu violée ou harcelée (affaires récentes…).
En conclusion, l’histoire que tu lui permets de se raconter c’est : dans un soir de déprime intense, j’ai cédé aux avances insistantes de l’homme qui me plaisait le moins au monde. Celui qui était mon confident et connaissait mon Ganz Heiss, c’est-à-dire ma part d’ombre jungienne. Avec ça tu ne construis pas un futur. Tu ne peux pas réconcilier cette histoire, ce n’est pas valorisant pour toi. Mieux vaut rester son confident, mais si tu y tiens quand même, le séminaire « casser une friend-zone » pourra t’aider.
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