Interrogés sur la femme parfaite dans les années 90, près d’un américain sur deux désignait Pamela Anderson et c’est tout de même difficile à concevoir sur le corps de quelqu’un dont pas une pièce n’est d’origine. Et encore plus difficile aujourd’hui quand on cherche à se souvenir à quoi elle ressemblait.
D’abord parce qu’à force d’opérations (ou de coups de son boyfriend Tommy Lee) elle a changé de visage depuis cette époque. Et aussi parce qu’arrivée à 4x ans sans jamais dormir la nuit, elle est fripée comme ma vieille table à repasser. Prenons donc un exemple plus récent de la « perfection » telle qu’elle décide de s’incarner sur quelqu’un : Valeria Lukyanova.
Enfant du pays aux paupières baissées, cette jeune russe a deux fois moins d’années au compteur que Pamela (soit 2x) et au moins 2 fois plus d’opérations sur le billard. Son objectif est prodigieusement atteint : elle ressemble à Barbie. Pardon, correctif : elle est Barbie. Les filles les plus minces que je connaisse (soit mes deux dernières copines) font du 34 en taille, mais Barbie doit faire du 25, ce qui n’est physiologiquement possible qu’en se faisant retirer des côtes. Les filles les plus belles que je connaisse (soit mes ex, plus Valentina Cervi et Julianne Moore) ont un visage d’artiste à contempler des heures durant, mais Barbie n’a que faire de la nature qui un jour a calculé que pour sourire il fallait que nos pommettes puissent se plier un peu. Un pli pouvant être assimilé par un objectif de photographe à une ride, il a fallu faire un choix, dont la conséquence est qu’aujourd’hui même mon autoradio est plus expressif lorsqu’il me dit « hello ».
Bref, les années 80 avaient Lova Moor, les 90 Pamela Anderson-Lee, les années 2000 ont des poupées russes, et si l’un d’entre vous trouve « parfaite » une de ces saucisses, qu’il interrompe immédiatement la lecture de ce site et tape « verse le jus » dans la barre d’adresse de son navigateur, où il rejoindra plein d’amis qui pensent comme lui. Vous êtes toujours là ? Tant mieux, je vais donc pouvoir vous expliquer sans plus attendre le rapport avec l’article du jour, la recherche de perfection.
Perfection es-tu là ?
Je dînais tout seul l’autre soir avec un type que je ne connaissais pas mais qui en savait sur moi. C’était une des raisons qui m’avait poussé à accepter son invitation après 4 ou 5 emails de sa part (l’autre étant qu’il avait pris un coaching particulier et donc qu’il me rémunérait pour être là).
Il avait peut-être préparé l’entretien, je ne sais pas, mais en tous cas il avait bien préparé sa chemise : elle n’avait pas un pli ! Les manches étaient savamment et négligemment retournées deux fois et demi et arrivaient aux deux-tiers des avant-bras ; je n’aurais pas été étonné qu’il cache un mètre de couturier sous la table pour s’en assurer. La table, justement : il l’avait demandée (ou réservée) bien au centre, et dessus, tout était au carré. Surtout son portefeuille, qu’il avait sorti de sa veste pour ne pas l’abimer la veste. Quasi immobile, il s’exprimait avec un calme recherché et cherchait parfois (non, souvent) le mot le plus fidèle à son idée ce qui, allié avec l’immobilité sus-citée, faisait un tout franchement flippant.
C’est dans ce genre de situation que l’on se met soudain à préférer la grossièreté. Comme disait ma copine Sophie : « j’eus préféré qu’il pétasse ! ». Voilà, pour la grossièreté, c’est un peu tard mais c’est fait.
L’enfer est pavé de bonnes intentions
Ce n’était pas la première – ni hélas la dernière – fois que je me retrouve devant un problème d’interprétation. Cette volonté de bien faire, cette chemise amidonnée, cette roide immobilité, il les avaient bien trouvées quelque part, et même si je suis gêné de l’admettre, je crains que ce ne soit chez moi. Ou plus exactement, comme ce n’est pas tout à fait pareil, ici, sur ce site. Alors je pourrais me défausser tout de suite en disant que chacun doit faire preuve du discernement nécessaire pour bla bla bla, mais ce serait manquer l’opportunité de dénoncer un travers dans lequel il n’est surement pas le seul à être tombé. Raison de plus de tenter de rattraper tout le monde.
Parce qu’à l’origine n’était pas tout à fait ce besoin d’être (le) meilleur. Juste ce besoin de savoir draguer deux ou trois filles, mué en nécessité de comprendre la dynamique des rapports sociaux, elle-même nécessitant de se remettre en cause pour mieux débusquer les croyances limitantes et puis, une fois « le capot du moteur » ouvert, on décide d’en profiter pour en mettre un autre à la place, turbo compressé celui-là. Une bonne intention qui, in fine, ne fera pas que des heureux. A commencer par celui qui vous intéresse le plus, c’est à dire vous.
Avoir raison tout seul ?
La perfection, c’est excitant. Une voiture neuve m’excite immensément. Et pour prendre des exemples moins chers, mon rasoir de sureté Merkur, avec ses lames allemandes aiguisées à la perfection, me provoque dans la main des picotements lorsque je m’en saisis.
Parfois ce n’est pas la perfection qui saisit le plus, mais l’idée de la perfection. Un appareil de chez Accuphase, par exemple, est parfait à tous points de vue. Sauf à celui de l’écoute, qui m’ennuie prodigieusement. Mais l’idée de la perfection est nécessaire pour supporter un monde et des gens où c’est l’imperfection qui règne en maître.
Mais comportalement parlant, l’objectif n’est jamais la perfection. L’ « attitude parfaite » est une vision éminemment personnelle et aussi perspicace et juste que vous sentiez votre vision sur l’instant, dites-vous qu’elle se retrouve malgré elle en décalage avec celle de 99% de la population, qui trouveront vos désirs de développement personnel particulièrement étranges. Ce qui m’amène à vous faire la confession suivante. Pardon de ne pas y être venu plus tôt, mais c’était un peu délicat à dire. Et encore plus à comprendre.
Le développement personnel n’existe pas
Non, le développement personnel n’existe pas. C’est une catégorie inventée par La Fnac pour ranger des livres. Et utile aussi pour classer des articles sur un site Internet. Et comme cette catégorie n’existe pas, il n’y a ni concours ni championnat en son sein. Le développement personnel est un ensemble de plusieurs milliers de petits choix et de micro-décisions prises au quotidien et qui, combinées les unes aux autres, font que l’on réussit plus ou moins sa vie (ou qu’on la subit).
Vous avez regardé Gladiator plusieurs fois sur votre ordinateur et vous avez adoré le « force et honneur ». Mais vous-êtes vous enrôlé dans l’armée et portez glaive et armure lorsque vous visitez Rome ? Moi non, et pourtant ce n’est pas faute d’y être allé souvent. Par contre je fais en sorte, quand des choix de conscience se présentent, de ne pas refuser une solution sous prétexte qu’elle exige de la force, et de ne pas manquer d’honorer une certaine morale en ne mentant, ni ne trichant, ni ne commettant des basses petites vengeances ridicules sur des gens qui ne m’ont jamais fait aucun mal sauf celui d’être meilleurs que moi dans tel ou tel domaine (pour ne citer que les bassesses auxquelles les gens s’adonnent le plus fréquemment).
Et le lifestyle alors ?
Je lis de temps à autres sur le forum, en réponse à des questions de nouveau, qu’il lui faire faire ses costumes sur mesure, supprimer 80% de ses amis, se mettre à lire de la philosophie dans le métro et ne boire que du whisky japonais distillé en fût de bambou de Kyoto.
A l’instar de cette femme de Montherlant qui disparaissait dans l’obscurité comme si elle avait bu les ombres de la nuit, le lifestyle échappe à qui veut le saisir et disparait complètement dès lors qu’on prononce son nom. Contrairement aux âneries que je m’entends parfois attribuer, on ne mange pas « lifestyle », pas plus qu’on ne boit « lifestyle » ou (pire) qu’on ne s’habille « lifestyle ». On essaie de faire les choses avec goûts (le sien propre, ainsi que le bon goût) et toutes ces choses finissent par laisser un sillon, comme sur un disque vinyle. Sillon que quelqu’un qui vous aime saura déchiffrer pour comprendre la musique vous habite, et dans quelle gamme vous jouez.
C’est pourquoi la plus jolie fille d’Alerte à Malibu n’était pas Anderson mais Nicole Eggert.
Stéphane
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Délicieusement subtile. J’ai trouvé la métaphore du sillon très belle, comme ce qui s’inscrirait en creux de nos actions.
Déjà si vous commenciez par comprendre qu’on ne sort pas dans l’unique but
d’emmerderd’aborder des filles dans la rue, alors plutôt que demander des adresses magiques où elles vous accepteraient enfin, vous feriez un grand pas vers un monde où elle n’auraient plus peur de vous…@ Nico, sans doute :) J’ai abordé des inconnues dans ce quartier, mais bien trop souvent, elles font une tête de fion!
Tu as des lieux à me conseiller? J’ai le même pseudo sur le forum
très bon article merci beaucoup
Valeria Lukyanova me fait peur… Et la Nicole Eggert actuelle encore plus…
Ah… Nicole Eggert. De l’eau a malheureusement coulé sous les ponts, depuis : http://goo.gl/Y4cXq
« Le secret du bonheur ne consiste pas à rechercher toujours plus, mais à développer la capacité d’apprécier avec moins. »
@The Good Sheperd, tu dois trop traîner dans le quartier des banques :)
Très bon article, et c’est ce que j’aime sur ce site, c’est que l’auteur sait prendre du recul par rapport à ce qu’il nous propose.
Excellent article, merci beaucoup!
Cela faisait plusieurs fois que j’entendais les termes de « limites du développement personnel » sans les comprendre.
La progression serait donc non pas de désapprendre pour réapprendre mais de désapprendre pour réapprendre puis dépasser.
Mais dans le cas présent avec Monsieur chemise, c’est a-tu pu le raisonner? Je pensais que c’était une étape que l’on ne pouvais malheureusement que franchir seul.
A partir du moment ou on a commencé un peu de développement personnel, il faut bien reconnaitre que celui-ci est réellement passionnant…
+1 ça fait peur de voir tant de robots sociaux surformattés. Très fréquents à Genève.
Ils n’ont pas trouvé de juste milieu entre leur côté « sauvage » et civilisé.
La première fois que j’ai débarqué sur ton forum, en voyant la section développement personnel, j’avais gloussé…
Heureux de lire enfin un article démonter cette baudruche de marketing.
Pour la notion de lifestyle, elle existe concrètement: du moins pour ceux qui n’ont aucun goût, qui pompent misérablement tous ceux qui en ont, et reproduisent à l’identique.
Le lifestyle est une sorte de gigantesque plagiat accessible à tous.
Tu as déjà pensé, aux nombre de personnes qui ont lu Montherlant ou sont allés Fumoir, pour te pomper et faire..lifestyle !
Entièrement d’accord pour Nicole…mais, au risque de te décevoir je crois que sa poitrine est fausse..