« Avec Nicolas Sarkozy, ça a été immédiat. Je ne m’attendais pas à quelqu’un de si drôle, de si vivant. Son physique, son charme et son intelligence m’ont séduite. Il a cinq ou six cerveaux, remarquablement irrigués. Je le remarque encore tous les jours. Vous lui parlez de quelque chose : il est en train de lire un dossier. Vous vous dites, le pauvre il est épuisé, il est tard : il entend tout, tout en intégrant le dossier qu’il lit. Je n’ai pas connu de crétins auparavant, ce n’est pas mon genre, mais lui, ça va très, très vite. Et puis, il a une incroyable mémoire. » – Carla Bruni-Sarkozy
Affaire Karachi, affaire Bettencourt, affaire Tapie, affaire Kazakhstan, affaire Bygmalion, sondages de l’Elysée, amende des comptes de campagne, financement libyen, écoutes et trafic d’influence : ce ne sont rien moins que 10 affaires dans lesquelles l’ancien président est – a minima – entendu, voire suspect, et pourtant.
Alors que les deux-tiers des Français ne souhaitent pas que Nicolas Sarkozy se présente à l’élection présidentielle et six sur dix jugent que les sus-dites affaires empêcheront purement et simplement le parti des dénommés « républicains » (plus connu sous le nom d’UMP) de présenter un quelconque candidat sous leur étiquette, l’ancien président reste la première personnalité politique avec laquelle les français rêvent de… dîner (sondage Odoxa Le Parisien/Aujourd’hui et i-TELE).
« Les femmes sont très attirées par le pouvoir (NDLR : ah, bon ?). J’ai vu des femmes lui donner leur numéros de téléphone même quand j’étais à côté de lui. (…) Certaines, il les saute et puis il ne se rappelle même plus leur prénom » – Cécila Sarkozy
Dragué par les français qui voudraient l’avoir à leur table, et les françaises sur leur état civil, il l’est aussi par les écoles, banques et organisations diverses à Monaco, en Corée du Sud, à New York ou à Montréal (liste non exhaustive), auprès desquelles il touche des cachets à six chiffres pour intervenir lors de conférences chronométrées sur l’économie, la finance et les enjeux du mondialisme.
Si son successeur se voit attribuer le charisme d’un flan pour enfants (dixit Les guignols de l’info), d’un beignet (Laurent Gerra) ou d’un fromage à pâte molle (Auteur censuré), François Fillon celui d’une éponge (Thomas Legrand sur France Inter) et Jean-Marc Ayrault, celui d’un appareil électro-ménager (Sophie Jozan, conseillère municipale de Nantes), l’énergie de Nicolas, son ambition et son envie de plaire le protègent de tout déni de charisme, les journalistes – à l’instar de Franz Olivier Giesbert -, lui en reconnaissant quasi à l’unanimité.
Ah, le charisme, cette éternelle justification a posteriori des causes d’un succès généralement obtenue par la rouerie, la trahison à point nommé et les réseaux occultes, mais dont l’absence dans un cv médiapolitique serait dangereuse au point des révéler l’existence de ces derniers à un public rendu somnolent par une vie entière d’embrigadement à l’égalitarisme républicain, la laïcité, l’égalité des chances et tutti quanti.
Agité, colérique, suscitant tour à tour attraction et répulsion au sein même de son propre clan politique, ses techniques de séduction l’apparentent plus à une Ségolène Royal qu’à la sprezzatura de son prédécesseur, le débonnaire playboy Jaques Chirac cigarette au bec en costume cintré. Quant à son successeur depuis 2012 François, les Français ont eu le temps de faire le tour du propriétaire, je ne vois rien de nouveau à ajouter depuis ce que j’avais dit ici.
Alors comment séduire quand on est petit, nerveux, et pas doué en classe ? C’est tout l’enjeu de ce dossier Sarkozy que d’essayer de tenter de la décoder.
1.La toile d’araignée familiale de Nicolas Sarkozy
Par ma formation de sociologue des organisations je suis contraint par principe de réfuter d’emblée l’hypothèse selon laquelle la clé de tous les comportements humains réside dans les premières années de l’enfance et les relations aux parents. Passons donc rapidement sur l’enfance et l’adolescence du petit Nicolas, en égrenant néanmoins quelques anecdotes ou particularités qui s’y trouvent.
Un père à la fois absent et méprisant
Deuxième d’une engeance de 3 garçons, né de l’union d’un immigré hongrois (Pál Sarközy de Nagy-Bocsa) et d’une juive séfarade (Andrée Malah), Nicolas ne grandit pas sous l’influence masculine de son père – parti 4 ans environ après sa naissance – mais de son grand père Bénédict. Il s’en dira par la suite très proche à de nombreuses reprises.
Emilie Lanez, journaliste au Point, n’y va pas par quatre chemins : Pal Sarkozy, le père de l’ancien président, « n’a jamais caché tout le mépris qu’il a pour son fils ». Interrogée par cette dernière, l’octogénaire va même jusqu’à « se positionner en rival de son propre fils », dont il moque la petite taille et raille le passé (avéré) d’élève médiocre. Détail étonnant, même l’échec de son mariage avec Cécilia est l’objet des moqueries paternelles, quand les deux hommes partagent pourtant une statistique étonnamment similaire sur ce point :
- le père : 4 mariages, 5 enfants
- le fils : 3 mariages, 4 enfants
Des destins personnels contigus au point que le père ressente la nécessité de rappeler dans le même entretien, animo deliberato, que lui n’avait « jamais été quitté par une femme », allusion à peine voilée à la séparation de son fils d’avec Cécilia.
Du travail de cette journaliste, gardons précieusement les verbatim et empressons nous d’oublier l’analyse engluée d’oedipe psychologisante, sur laquelle elles et ses consoeurs se croient omniscientes du fait de leur statut de femmes. « L’ambition vorace est souvent le moyen pour les politiques de guérir une blessure narcissique ». Bien sûr Emilie, les hommes ne cherchent pas le pouvoir et la gloire pour conquérir les femmes qui sont hors de leur portée par les autres moyens ; non, ils le font pour montrer à papa, 50 ans plus tard, qui est le boss !
2. Des études au pas de loi
Selon la légende, soit des extraits, présentations et publications rassemblées d’un peu partout par Alain Garrigou, Nicolas Sarkozy aurait obtenu :
- une maîtrise de droit privé,
- un certificat d’aptitude à la profession d’avocat,
- un DEA de sciences politiques
- et fait des études à l’Institut d’Etudes politiques de Paris
Et quand il doit donner une de ses fameuses conférences rémunérées à six chiffres, la légende s’embellit d’une énigmatique distinction :
« Après avoir terminé avec distinction ses études universitaires de premier cycle en science politique à l’Institut d’études politiques de Paris, M. Sarkozy a obtenu une maîtrise en droit privé (1978) de même que son permis de pratique du droit (1981) » (Chambre de commerce du Montréal métropolitain, à l’occasion sa conférence de deux heures au congrès de Montréal)
Affirmations qui, dans un monde idéal devraient nécessiter autant de confirmations, travail obscur de vérification d’archives dont les journalistes ne sont guère friands. Sacrifions-nous donc un instant pour palier à cette carence. En commençant par son DEA, ancêtre du Master que je connais bien pour en avoir suivi un moi aussi. Là.
Ajourné de la première session (à Paris X Nanterre) pour mémoire non rendu, sa deuxième session ne figure curieusement dans aucun procès verbal. C’est le seul cas de l’histoire de cette université de disparition d’un procès verbal de DEA.
Sciences-Po ? Selon Catherine Nay (« Un pouvoir nommé désir », 2007), il en sort bredouille en 81, éliminé pour son niveau d’anglais. L’annuaire des anciens élèves confirme sa disparition à la même période.
Le certificat d’aptitude à la profession d’avocat ? Obtenu en 1980 avec la note de 10/20 et la mention minimale : passable.
- Conclusion provisoire n°1 : les universités protègent mal leurs archives
- Conclusion provisoire n°2 : le niveau scolaire n’est plus la formation qualifiante à gouverner les français
- Conclusion provisoire n°3 : Ad augusta per angusta («Il est possible d’aller vers de grandes choses par des voies étroites». Ps : si on a la chance que personne ne songe à vérifier. Ou que les électeurs soient des veaux.)
Continuons de détricoter tranquillement le roman de la vie de notre ex-président, en commençant par ses premières ambitions.
D’après J Copper-Royer, la volonté de Nicolas était, dés le départ, de faire une carrière politique et de devenir président de la République. Etre avocat, cela lui permettait d’avoir des relations dans le milieu des affaires. Il conduit donc très tôt ces deux carrières (avocat et politique) en parallèle pendant 35 ans, avec la plus grande discrétion.
Redevenu avocat après sa défaite en 2012, sa réintégration au cabinet Claude & Sarkozy, boulevard Malesherbes à Paris, augmente le chiffre d’affaires du groupe de 23%. Anecdotique quand on sait, grâce à des emails dévoilés par Médiapart
- que Nicolas Sarkozy a continué depuis la place Beauvau à gérer les affaires de son cabinet d’avocat, via Thierry Gaubert, mis en examen pour blanchiment aggravé dans l’affaire Takieddine,
- et que le même Thierry Gaubert réclamait des escortes officielles lors de ses voyages privés dans sa propriété colombienne, tandis que son associé Jean-Philippe Couzi offrait aux visiteurs des « putes pour ceux qui le souhaitent »
Bon alors, moi, sceptique désinvolte, cette histoire de putes ça me fait battre un cil sans toucher l’autre. L’échange sexe-pouvoir, ça existait déjà du temps du Sénat Romain (ça s’appelait pudiquement les « courtisanes »), puis de Versailles (le château de la petite Sodome) ; aujourd’hui, elles s’appellent des models et elles prennent des jets privés pour Dubaï, simple rééquilibrage économique et géo-politique du monde.
Mais les électrices de droite, les mères et les grands-mères qui l’ont porté aux responsabilités pour défendre avec application leurs intérêts bourgeois, comment intégreraient-elles cette réalité dans les bornes de leur conscience, même vaguement élargie par la laïcisation de la pensée et la désacralisation du sexe ? Si je prenais position dans cet article (ce dont je me garde bien), je ferais remarquer qu’au moins, Berlusconi a le mérite de la transparence sur ce type de « dossiers ».
Dans notre prochaine partie, nous rappellerons que pour être élu aujourd’hui, il faut d’abord avoir les femmes pour soi, et verrons comment notre petit avocat, cancre à l’école mais bon rhétoricien, a joué de la casuistique dialectique pour flatter un électorat féminin qui, finalement, ignore tout de lui.
Au fait, Emilie Lanez, les orgies c’est toujours réservé au cinéma (Eyes Wide Shut), et la conquête du pouvoir uniquement pour en remontrer à papa, n’est-ce pas ?
3. Une technique de séduction classique de Nicolas Sarkozy: flatter l’électorat féminin
« La politique ce sont les femmes » – Talleyrand
D’un point de vue statistique, c’est indéniable : la France compte 2.000.000 (deux millions) d’électrices de plus que d’électeurs. Un déséquilibre qui ne peut que s’accroître au fur et à mesure que l’on monte dans la pyramide des âges, pour culminer à 10% vs 6% chez les plus de 75 ans.
Un poids électoral conséquent, donc, et qui résiste au déterminisme gauche-droite (exception faite de leur rejet quasi unanime pour l’extrême droite), mais qui pourtant a penché ostensiblement en faveur du candidat Sarkozy lors de son ascension au pouvoir (33% de voix féminines au premier tour de l’élection présidentielle de 2007 contre 29% d’hommes, soit un écart-type plus grand encore que celui des voix de Ségolène Royal).
Ce qui nous amène tout naturellement à enfiler nos lunettes de sociologue pour nous pencher, comme d’habitude, sur ce que les intéressées elles-mêmes sont sans doute dans l’incapacité d’identifier : les techniques spécifiques de communication et – osons le mot – de séduction du candidat Sarkozy pour emporter le précieux électorat féminin.
Sans tourner plus longtemps autour du pot (luxe dont je ne pouvais que rêver à Sciences-Po : résumer les idées principales en 10 lignes sans jargon et surtout sans circonvolutions)
3.1. Etre celui que les média s’arrachent
Technique(s) identifiée(s)
Le « social proof » (preuve sociale)
Comme qui ?
Les comédiens, les boys band.
3.2. Prendre en charge la mission de l’égalité homme-femmes
Outre son gouvernement à parité quasi absolue (8 hommes pour 7 femmes), Nicolas Sarkozy a régulièrement pris position en faveur de l’abolition des différenciations, notamment sur la thématique des signes religieux. Alors président de l’UMP, il affirmait sur Europe1 son hostilité au voile non pour des motifs religieux ou théologiques, mais bien pour l’égalité hommes-femmes.
Technique(s) identifiée(s)
Le « porte-parole »
Comme qui ?
Les représentants de communautés, les époux dans les couples traditionnels
3.3. Officialiser ses unions (mariage)
Technique(s) identifiée(s)
« Projection », « engagement »
Comme qui ?
La famille traditionnelle
3.4. Prendre femme dans le ghota
Pour intégrer la composante culturo-mondain à une aura masculine certes sexuée, mais jusqu’alors dépourvue de glamour.
Technique(s) identifiée(s)
Le « social proof » (suite)
Comme qui ?
Industriels, producteurs…
3.5. Démontrer un volontarisme forcené…
Sur les sujets sociétaux et de politique intérieure auxquels les femmes sont sensibles de par leur praxis quotidienne (ex: sécurité dans les banlieues et les transports en commun) sur fond de désintérêt féminin généralisé pour l’économie et la politique internationale, où ses positions furent plus molles et contestées (place de la France dans l’Otan et alignement sur les positions géo-politiques américaines notamment)
Technique(s) identifiée(s)
« Leadership » (signes extérieurs de), confort
Comme qui ?
Le père
3.6. Se prêter des défauts psychologisants
Interrogé sur le défaut qui l’agace le plus, l’ex président a répondu, respectivement :
- « ma spontanéité »,
- « mon émotivité »,
- « ma sentimentalité » (sic)
Technique(s) identifiée(s)
L’ « identification »
Comme qui ?
Les menteurs, les séducteurs de foire
3.7. Promouvoir les femmes
À la suite de la démission de Dominique Strauss-Kahn, Nicolas Sarkozy soutient publiquement la ministre française de l’économie Christine Lagarde dans sa course à la présidence du FMI, notamment lors du sommet du G8 de Deauville.
La désignation de cette dernière lui sera attribuée comme son deuxième succès personnel, après la désignation de DSK.
Technique(s) identifiée(s)
Le « sponsor »
Comme qui ?
L’agent, le producteur, le maquereau
3.8. Sarkozy prend la défense des femmes
Des femmes otages
Nicolas Sarkozy avait formellement émis le souhait, durant sa campagne présidentielle, que la France prenne la défense des femmes à travers les cas particuliers d’otages comme Íngrid Betancourt (FARC, Colombie), des infirmières bulgares prisonnières (Libye), etc.
Des femmes abusées sexuellement
Par la loi sur la sécurité intérieure du 18 mars 2003 et la loi Perben II, il étend le fichage ADN, à l’origine limitée aux délinquants sexuels, à toute personne soupçonnée d’un délit, tout refus pouvant entraîner un an de prison ferme, assorti d’une amende pouvant s’élever à 15.000€.
Des femmes dans les vidéos sur Internet
C’est Nicolas Sarkozy qui a instauré un contrôle des activités sur Internet, comme la diffusion de scènes de violence (« happy slapping »), méthode critiquée par la Ligue Odebi comme pouvant légitimer la censure de violences policières.
Technique(s) identifiée(s)
Le « protecteur »
Comme qui ?
Parrains, agents, producteurs, mentors, etc.
A suivre
3. La panoplie de l’homme d’affaire Nicolas Sarkozy
Nicolas Sarkozy le self made man
La capacité de travail
L’homme libre
Jamais sans mon argent
4. Les Etats-Unis comme modèle de réussite de Nicolas Sarkozy
La chance des audacieux (et des opportunistes)
La rupture perpétuelle comme symbole du renouveau
5. Nicolas Sarkozy le bad boy
« Retenez-moi ou bien je casse tout », la récurrence de l’affrontement symbolique dans sa carrière politique
Il n’a peur de rien
La volonté de puissance
Stéphane
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Intéressante analyse !! et j’avoue : bien que n’ayant pas voté pour lui, son « charisme » fonctionne à merveille sur moi
@Messaoud: je crois que Field a quitté le navire
Si tu veux te faire inviter par Field ou Duhamel, il va falloir ramper plus que ça, en particulier par rapport à celui que tu appelles « l’auteur censuré ».
fait sociologique, la plupart des ces politiciens sont des juristes (souvent mediocres au barreau) ou sciences po, deux etudes peu exigeantes (pas autant que les mines ou polytech) mais on y a apprend… la com
en stage d’avocat on apprend a plaider et l’elocution en public
par ailleurs, oui la foule est femelle
Les cancres arrivent à devenir avocat maintenant ?
Je ne savais pas.
Pour info, à cet examen il y a environ 40% d’admissible et environ 30% réussissent.
Donc, 10/20 c’est une note excellente.
Le prochain président, Valls, a une licence d’histoire.
Ça promet … :D
J’ai hâte.
Cela dit, vas-y molo, Stéphane. Tu pourrais te faire des ennemis en révélant des vérités qui ne sont pas bonnes à dire.